Le site, une colline de loess, est déjà occupé à l’époque romaine. Une nécropole, un trésor monétaire ainsi que les vestiges d’une somptueuse villa ont été successivement découverts et témoignent de cette époque, où l’actuel village était traversé par une route romaine.
Il faut attendre 735 pour trouver la première mention écrite de Lutterbach. Dès cette époque, il existe une église, sans doute un modeste sanctuaire de bois, qui sert d’église-mère aux villages environnants. Lutterbach est alors une cour colongère dépendant de l’abbaye de Murbach. Très endettée, cette dernière cède la localité en 1301 -1304 à l’abbaye cistercienne de Lucelle, dont elle dépendra jusqu’à la Révolution.
Comme toute l’Alsace, Lutterbach est touché par les différentes invasions du Moyen-âge, puis par la Guerre des Paysans (1525) à laquelle les Lutterbachois participent. Le village brûlé en représailles, les habitants vivent de longs mois réfugiés dans la forêt. La Guerre de Trente Ans apporte elle aussi son lot de souffrances et de destruction.
L’agglomération se développe le long de deux axes principaux. D’une part l’ancienne route romaine (rue Aristide Briand) sur la colline et d’autre part l’actuelle rue du Général De Gaulle dans laquelle coulait le ruisseau du Runzbach, aujourd’hui souterrain. En plaine, on signale aussi un hameau disparu du nom de Kleindorf ou Klein Lutterbach.
La colline, exposée plein Sud, permet la culture de la vigne, présente jusqu’à la fin du 19ème siècle. La légende fait également remonter à 1648 la création d’une brasserie, par les moines de Lucelle. Pendant quelques années, le village sert de résidence à Claude-Louis, Comte de Saint-Germain, futur ministre de la guerre du roi Louis XVI. Puis survient la Révolution, qui fait de Lutterbach un éphémère chef-lieu de canton (1790-1802).
La fin du XVIIIème siècle et le début du 19ème siècle voient le lieu s’industrialiser. Un peu partout dans et autour du village s’installent des usines textiles (impression- sur étoffe, teinturerie, blanchiment,…) liées à l’essor de la proche ville de Mulhouse. Parallèlement se développent les infrastructures: dès 1839, le ban communal est traversé par la ligne Mulhouse-Thann, première ligne ferroviaire d’Alsace. En 1841, c’est au tour de la ligne Strasbourg-Bâle, première ligne internationale au monde, de traverser la localité, dès lors
placée au point de jonction entre ces deux axes majeurs. Parmi les industries significatives, citons l’ancienne brasserie monacale, qui passe au stade industriel en 1861 et deviendra un établissement de premier plan entre les deux guerres, pour fermer définitivement ses portes en 1968. Signalons encore la Savonnerie de Lutterbach, en activité jusqu’en 1991.
Le village vit avec angoisse les heures sombres de la Première Guerre Mondiale, durant laquelle il se trouve à 8 kilomètres du front. Envahi par les activités militaires allemandes et régulièrement bombardé, il s’en faut de peu pour qu’il soit évacué.
Les mêmes scènes se reproduisent hélas en 1944-1945. A partir du 22 novembre 1944 et durant 9 semaines, les habitants se trouvent alors littéralement pris entre deux feux. Prés de 1800 d’entre eux se réfugient dans les caves voûtées de la brasserie où ils survivent dans des conditions atroces jusqu’à la Libération par la Première Armée Française, le 20 janvier 1945. A cette date, le village est sinistré à 96 %. Il faut de longues années pour le reconstruire et de nombreuses maisons anciennes à colombage ont irrémédiablement disparu.
Aujourd’hui, l’ancien village est devenu une localité périurbaine, mais ses habitants préfèrent rester un grand village que devenir une petite ville.…